[Libre ^^]
Le lieu était exactement comme elle l’avait imaginé : en pleine putréfaction, tant l’odeur nauséabonde qui s’en émanait lui faisait penser à une mort inéluctable de cet endroit sordide, et incroyablement malfamé. Cependant, Ambre ne pouvait que s’y plaire. Voilà quelques années maintenant qu’elle se devait de supporter les frasques outrageuses de son père qui, contrairement à cette décharge pour le moins austère, ne lui avaient jamais apporté une quelconque forme de satisfaction. Or désormais, elle ne ressentait qu’une évanescente allégresse, bientôt muée en une sensation de liberté.
*Il était temps…*
Elle repensa vaguement aux élucubrations misérables de son forban de père. Lui qui avait toujours eu l’outrecuidance ou la simple inconscience (insouciante ?) de lui faire subir tant de situations désagréables, pire… inavouables, presque avilissantes. Durant toutes ces années, la seule véritable amie qu’elle avait eue n’était autre que l’image de femme forte au tempérament de battante qu’elle voulait se forger. Et s’il avait fallu fuir pour y arriver ? Elle n’y avait guère songé avant cela. A dire vrai, les larmes, qu’elle versait chaque soir dans l’obscurité terrifiante de sa chambre exiguë où résonnaient les gémissements lascifs de son géniteur et de quelque fille de joie, lui avaient partiellement ôté toute volonté de se relever. Mais, lorsque les rayons du soleil filtraient dans cette même suite, elle retrouvait l’envie de se battre, une vie de petite fille qui se devait de réussir pour enfin pouvoir s’aventurer ailleurs.
En toute circonstance, son géniteur faisait volontairement abstraction du fait qu’il la blessait. Peut-être, qu’indirectement, elle enviait ces femmes trop fardées, vulgairement avilies au rang d’objet. Que c’était triste de penser qu’elle aurait pu devenir comme ça, elle aussi… Mais heureusement, le hasard fait suffisamment bien les choses. Et il avait suffit d’une endémie pour qu’elle puisse enfin accéder à la délivrance. Triste paradoxe, ironie du sort… Elle n’en avait cure, à présent.
Ce soir-là, ses yeux étaient tellement bordés de noir qu’on aurait pu aisément croire qu’elle avait subit le courroux d’un quelconque malfaiteur inassouvi. Le reste de son accoutrement le laissait tellement penser. Elle aussi s’était transformée en belle-de-nuit, la seule différence avec celles qui subsistaient en vendant un corps qui s’était métamorphosé en machine à plaisir, c’était qu’elle ne se dépréciait pas encore suffisamment pour se livrer à cette pratique qu’elle avait tant proscrit par le passé. Et qui lui rappelait avec douleur son enfance tumultueuse, torturée… Elle, la rousse pétillante qui avait grandi trop vite, qui avait compris bien avant tout le monde que l’amour n’était pas seulement un échange charnel. On ne peut de toute évidence pas pénétrer l’âme mais certains se font un plaisir de pénétrer le corps. Maudits soient-ils, ces infâmes démons cupides et perfides.
Ses yeux d’habitude profondément bleus avaient à présent une singulière teinte mordorée, simplement à cause de la lumière artificielle et taciturne ? Son élégant chemisier rouge foncé laissait à la vue de tous les prémices d’une poitrine généreuse et aguichante. La jupe longue et noire était étrangement fendue, jusqu’à l’extravagance. Et les collants à résille qui recouvraient ses jambes n’inspiraient que davantage la concupiscence.
_ Que faire maintenant ?